Archives de catégorie : corps sans organes

Quelques images de l’ébauche de corps sans organes que j’ai présenté lors du bilan. Toutes les parties du corps ne sont pas encore fonctionnelles/ terminées. C’était la première fois que j’installais dans l’espace ce qui n’existait jusqu’à maintenant sous forme de programmes, dessins et idées.
L’un des écueils que j’ai rencontré était à propos du son de la bourse jugé par certaine personne trop abrupte et abrasif. Doit on essayer forcément dans une oeuvre de transformer le chaos du monde (en l’occurrence ici la bourse ) en une petite ritournelle organisée, esthétisante, voire inoffensive ?



L’autre problème semblait venir de l’utilisation de mes dessins générés aléatoirement à partir d’une base de donnée. Je me demande toujours si c’est une bonne idée de vouloir à tout prix imposer mon graphisme dans un ensemble de machines. D’autant que ce travail fait le grand écart entre différends statut d’images ( image tv, dessin traditionnel et graphisme processing se côtoient).



Sinon je réfléchi à une disposition dans l’espace plus balisé, pour permettre au spectateur lambda de mieux comprendre la circulation des flux. (ainsi le module qui produit le son de la bourse serait représenté sous forme d’un micro pointé en direction d’un écran affichant les cours de la bourse; même si ce dispositif n’a aucune utilité technique pour le fonctionnement de l’oeuvre, cela me semble amusant et plus compréhensible )

Voici la forme que pourrait revetir ce « corps sans organes médiatique ».
Il s’agit d’un ensemble de machines traversées par des flux médiatiques (images télé et cours de la bourse ) . Ces machines coupent les flux, les digèrent pour les transformer en images et en sons de l’inconscient. Toutes les informations qui ne sont pas digéré sont rejetés sous forme de sang. Ce corps aveugle et sourd à son environnement immédiat (il n’a aucune interaction avec le spectateur ) est pourtant soumis aux soubressaults des médias et de l’économie.

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Le corps sans organes


Petite définition d’un corps sans organes d’après Deleuze (source Wikipédia) :

Le corps-sans-organe est un concept développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans leurs œuvres communes : L’Anti-Œdipe et Mille plateaux.

Pour comprendre le corps-sans-Organe (CsO) il est important de saisir la définition deleuzienne du désir. Dès l’Anti-Œdipe (en 1972), Deleuze remet en cause la conception psychanalytique du désir. Selon lui le désir n’est pas une scène de théâtre mais une usine qui produit sans cesse, qui crée des agencements, qui est cause de déterritorialisation et de reterritorialisation. Le désir compris comme usine nous permet dès lors de concevoir les machines désirantes. Car dans la nature et dans tout corps il n’y a que des dispositifs machiniques, une multiplicité de machines, machine désirante, mais aussi machine-organe, machine-énergie. Deleuze unit l’homme et la nature au travers d’un processus couplant les machines : « L’homme et la nature produisent l’un dans l’autre ».

Le CsO est une production du désir, il s’oppose à l’organisme que nous font les machines désirantes. Le corps souffre de ne pas avoir d’autre organisation, ou pas d’organisation du tout… Le CsO est un corps sans image, une anti-production, mais il est inévitable parce qu’il nous pénètre sans cesse, et sans cesse nous le pénétrons. Le CsO est un programme, une expérimentation et non un fantasme. Produit comme un tout à côté de parties auquel il s’ajoute, le CsO s’oppose à l’organisme. Car c’est par le corps, et par les organes, que le désir passe et non par l’organisme.

Il y a de multiples possibilités du CsO selon les désirs, les êtres… Citons comme exemple le corps hypocondriaque, dont les organes se détruisent, ou le corps schizophrène, qui mène la lutte contre ses propres organes. Si Deleuze aime à prendre l’exemple du schizophrène, en citant notamment l’œuvre d’Antonin Artaud, il signale que le CsO peut aussi être « gaieté, extase, danse… ». Mais l’expérimentation n’est pas anodine, elle peut entraîner la mort. Il faut, par conséquent, être prudent même si l’expérimentation du CsO est une question de vie ou de mort. Car pour Deleuze il ne faut pas, comme le prétend la psychanalyse, retrouver notre moi mais aller au-delà. Deleuze dit, dans l’Abécédaire, qu’« on ne délire pas sur papa-maman, on délire le monde ». Aussi précise t-il dans Mille-Plateaux : « Remplacer l’anamnèse par l’oubli, l’interprétation par l’expérimentation ». Deleuze s’oppose à l’idée du désir perçu comme manque ou fantasme.

Pour Deleuze, le grand livre sur le CsO est l’Éthique de Spinoza : les attributs, les substances, les intensités ignorent l’opposition de l’un et du multiple puisqu’il y a multiplicité de fusions, d’abouchemenents, de glissements :

« Le corps n’est plus qu’un ensemble de clapets, sas, écluses, bols ou vases communicants… »

Le CsO est comme un œuf sur lequel, et dans lequel, des intensités circulent, intensités qu’il produit et distribue dans un espace intensif, inétendu.