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L’idée à la base de Tweet Runner m’est venue à l’occasion d’un workshop à l’ENSAD avec Manuel Lima autour de la visualisation d’informations.
Avec Tweet Runner, je voulais tenter de représenter l’évolution d’une relation sur twitter (entre vous et l’un de vos followers (ami)) en utilisant l’esthétique et les codes propre aux jeux vidéos. Je suis fasciné par la possibilité de pouvoir utiliser les flux d’informations tel un robinet qui va donner naissance à de la musique, des images, ou pourquoi pas à des éléments d’un niveau de jeu vidéo. Montrer l’évolution d’une relation dans le temps tient à la fois du storytelling, mais aussi à des détail insignifiants qui vont donner un ton, une ambiance. On avance ainsi dans le jeu un peu comme dans la vie (voir à ce propos, Passage, de Jason Rohrer ), en se remémorant parfois certains détails et en en occultant d’autres…
Les « infographics » habituellement utilisé pour donner un aperçu très clair sur une grande masse d’informations me semblent toujours un peu ennuyeux et beaucoup trop précis. Vouloir tout quantifier, mettre sous forme de chiffres et de graphiques, voilà des fantasmes de statisticiens retors qui me font un peu froid dans le dos et qui ne permettent pas d’évoquer des sujets purement intimes et subjectif. Si je repense à ma relation avec X. ou Y., je n’ai pas envie qu’on m’évoque une masse de chiffre idiots (« vous avez eu 23 discussions sur avec X. à propos de la météo , vous avez oublié 4 fois de répondre aux messages de Y. »). Je trouve l’idée du lifelogging vraiment flippante si elle consiste juste à calquer des chiffres, des pourcentages, et des jauges sur les différents élèments de ma vie quotidienne.
Utiliser l’esthétique des vieux jeux vidéo est un moyen commode d’humaniser cette soupe, car cela renvoi à un vécu, des souvenirs (et beaucoup de nostalgie), un imaginaire (un peu comme avec le cinéma).
Je suis également assez curieux, mais aussi critique à propos des théories et autres tentatives qui émergent actuellement dans le design d’interface / applications et qui tendent à s’inspirer des mécaniques du jeux vidéo (cf. the fun theory, the Nethernet, Ribbon Hero, ou bien encore les idées de Johnny Holland ).
On parle ainsi beaucoup en ce moment de cette fameuse gamification, (ou plutôt, de nombreuses personnes reprennent ces termes à la mode sans connaître leur signification précise, cela fonctionne aussi avec la réalité augmenté, les serious games , qui sont de la chair à consultants et qui permettent de briller à peu de frais dans les diners mondain). La gamification/ ludification consiste à reprendre le système des achievements, principe introduit par microsoft sur la xbox, et aujourd’hui massivement utilisé dans de nombreux jeux. Les achievements, ce sont des objectifs à atteindre, qui allongent artificiellement la durée de vie du jeu et augmente ses possibilités d’être rejouées. L’achievement est un peu l’équivalent de la pratique du scoring /high score (compétition pour obtenir le meilleur score ) qui était courante dans les jeux d’arcades des années 80 (si le joueur rejoue plusieurs fois au même jeu, il dépensera plus de sous, pour la plus grande joie du cafetier ) et qui a aujourd’hui totalement disparue. Vouloir introduire le système d’achievment dans des applications professionnelles ou des réseaux sociaux (voir Foursquare et sa ribambelle de clones ) est une idée louable, mais raté d’avance. Car ce qui fait l’intérêt d’un jeu vidéo, ce n’est pas les récompenses que l’on obtient (score ou médailles), qui sont des gadgets annexes, mais bel et bien le plaisir de jouer et de progresser. L’achievment n’est pas une fin en soi, ni même un moyen, c’est juste un gadget ennuyeux. Enfin, je crois que ce qui fait l’essence même des jeux et leur beauté, c’est leur inutilité.
La gamification.
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