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Bien avant la bataille du Centre Pompidou, j’avais commencé à mélanger Twitter et jeux vidéo dans Tweet Runner, un jeu de plate-formes où les niveaux et les ennemis étaient générés à partir des informations de votre compte twitter (messages, followers,…). Parallèlement à ce jeu, dont j’étais assez peu satisfait à la base, je réfléchissais à un projet de jeu collaboratif, où les joueurs utilisant des mots clés sur twitter (appelés également hashtags, et qui ont une grande importance dans l’écosystème Twitter ) pourraient commander un même avatar / personnage. Je me disais qu’utiliser les hashtag #gauche » et #droite, qui reviennent souvent dans des discutions à caractères politiques sur Twitter serait amusant. Dans cette première ébauche, les joueurs s’alliaient pour déplacer la planète terre afin d’éviter une météorite géante qui avançait de quelques pixels toutes les heures (!).
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J’avais en tête ces parties de jeu, où enfant, l’on jouait à plusieurs avec une seule manette, chacun ayant une action ou un bouton qui lui était attribué. Le plaisir partagé de la coopération, chacun ayant un rôle à tenir, mais doutant tout de même de sa véritable utilité (Est ce moi ou bien l’autre qui a tué le ninja rouge?). Ce principe a été utilisé entre-autre sur Eggregor 8 (jusqu’à huit joueurs jouent simultanément avec la même manette), d’Antonin Fourneau et de Manuel Braun.
Une expérience de jeu collaboratif qui avait eu lieu au Siggraph en 2006 m’avait également largement inspiré. Le public disposait de raquette colorées qui leur permettait de jouer ensemble à Pong ou de dessiner sur une gigantesque ardoise magique .
Par ailleurs, j’ai gardé un excellent souvenir de l’émission télévisée Hugo Délire (je vous vois sourire, mais sachez qu’à l’époque, ça en a fait rêver plus d’un!), où l’on interagissait (ou plutôt : tentait d’interagir ) avec un jeu par le biais des touches du téléphone (les possesseurs de téléphone à cadran ne pouvaient bien évidemment pas jouer…).
J’ai proposé ce concept de jeu via twitter à Gonzague Gauthier, community manager du centre Pompidou, qui cherchait de son côté à créer un événement autour de twitter pour la nuit des musées. Ainsi est né La bataille du centre Pompidou.
Le principe des mots clés utilisé pour commander le jeu est dérivé de Super Tetris Adventure, fortement inspiré par les interfaces en ligne de commandes et les jeux d’aventure en mode texte. Il s’agit de faire s’affronter le code, presque binaire, de la machine, et le langage humain, infiniment plus subtil, et de trouver une interface acceptable pour les deux parties. On vante souvent l’interactivité comme une démultiplication des capacités humaines, avec un arrière goût de divin (voir à ce propos la description hypocrite des programmeurs ou des hacker au cinéma) , mais finalement, l’interaction avec la machine nous impose une certaine forme de domination, une dictature de l’interface (non, nous ne sommes pas encore dans Terminator !). Il faut accepter les logiques de la machine (via son interface conçu par des humains ) si l’on veut espérer la contrôler. Sensation de contrôle qui s’avère en fin de compte bien illusoire…
Observer les mécaniques de groupes se mettant en place durant cette soirée aura été un vrai plaisir. Des leaders émergent, s’improvisant Napoléon d’un soir et criant des ordres de batailles (« tous à gauche! »), des non-joueurs participent et mettent à profit leurs neurones pour retrouver le nom des œuvres ou des artistes, on assiste à une forme d’intelligence collective (concept très à la mode ces dernières années, je vous le concède).
Le centre Pompidou, qui apparaît de manière symbolique dans le jeu est systématiquement détruit par les envahisseurs, a moins que les joueurs n’empêchent cette destruction en tuant les ennemis ou en retrouvant le nom des œuvres. Que le centre Pompidou s’effondre physiquement, et paradoxalement, les œuvres apparaissent et sont révélés au public.
La mécanique du jeu et sa thématique est bien évidemment un hommage au célèbre Space Invaders. Invaders de Douglas Edric Stanley, bien qu’éminemment plus politique, (et ayant connu par ailleurs une controverse assez stupide) et lui aussi inspiré par le jeu de Taito, m’aura aussi énormément marqué, notamment pour l’aspect « fataliste » du déroulement de l’action (quoique fasse le joueur, il ne peut pas influer réellement sur la finalité du jeu, seulement retarder l’échéance).
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Au niveau visuel, les envahisseurs (poétiquement qualifiés de « méduses » par certains joueurs) sont accrochés à des câbles, j’avais envie de rendre visible les mécaniques du jeu, un peu comme si tout ce qui apparaissait à l’écran n’était qu’un bricolage, avec des câbles, du carton, des figurants, du théâtre, en somme. De la même manière, le canon est porté à bout de bras par des petit bonhommes qui finissent par tomber sous les coups adverses.
Un Arg (Alternate Reality Game ) a également été mis en place durant la semaine précédant l’événement, principalement sur Twitter, et avec au final un résultat plutôt mitigé. Les extraterrestres étant censés faire un long voyage avant d’arriver sur terre, je me suis dit que ça serait intéressant de brouiller le compte du Centre Pompidou avec des messages cryptés racontant leur péripéties (bouchons, pauses-pipis sur des aires d’autoroutes…). J’avais en tête la supercherie des Ummites, que j’ai toujours trouvé fascinante (des messages prétendument extraterrestres envoyés à d’éminents journalistes et scientifiques dans les années 60 – 70). Je pensais aussi à la bande dessinée L’envahisseur de Bobigny, de Jean Pierre Donnet et Frank Margerin, parue dans Métal Hurlant, où un alien un peu loser atterrit en banlieue et tente d’ envahir la terre dans une indifférence totale.*
Les messages cryptés en Base 64 (et leur solutions ) peuvent être consultés ici :
[spoiler effect= »slide » show= »Montrer » hide= »Cacher »]
Le centre de recherche galactique aurait trouvé la raison des mauvaises récoltes de Zirconium:
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Une petite planète du système solaire THX-GTI-TURBO émettrait des ondes psychiques.
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Le “mausolée Pompidou”, contenant des artefacts magiques serait à l’origine des ondes.
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Les fidèles qui se recueillent sur le tombeau du roi Pompidou produisent ses ondes nocives.
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Ils utilisent un dispositif de communication appelé “twitter” pour émettre des ondes.
SWxzIHV0aWxpc2VudCB1biBkaXNwb3NpdGlmIGRlIGNvbW11bmljYXRpb24gYXBwZWzDqSDigJx0d2l0dGVy4oCdIHBvdXIgw6ltZXR0cmUgZGVzIG9uZGVzLg== #ndm11
Les ondes sont amplifiées en utilisant la structure apparente de cette cathédrale culturelle.
TGVzIG9uZGVzIHNvbnQgYW1wbGlmacOpZXMgZW4gdXRpbGlzYW50IGxhIHN0cnVjdHVyZSBhcHBhcmVudGUgZGUgY2V0dGUgY2F0aMOpZHJhbGUgY3VsdHVyZWxsZS4= #ndm11
Les tuyaux bleus émettent des ondes psycho-tronique relayées par les fidèles.
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Le conseil galactique a nommé des volontaires pour attaquer le “temple Pompidou”.
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Nous avons fait le plein de la soucoupe. Le Zirconium sans plomb est vraiment hors de prix.
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On aura jamais assez de place pour ranger toutes les valises dans le coffre de la soucoupe !
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Jour du départ. Mauvaise nouvelle, Bison Cosmique Futé annonce des bouchons.
Sm91ciBkdSBkw6lwYXJ0LiBNYXV2YWlzZSBub3V2ZWxsZSwgQmlzb24gQ29zbWlxdWUgRnV0w6kgYW5ub25jZSBkZXMgYm91Y2hvbnMu #ndm11
Pause-pipi sur l’aire de repos “Proxima du Centaure”.
UGF1c2UtcGlwaSBzdXIgbOKAmWFpcmUgZGUgcmVwb3Mg4oCcUHJveGltYSBkdSBDZW50YXVyZeKAnS4= #ndm11
Prudence! Radio-trafic annonce un accident à 35 années lumières d’ici.
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Amende pour excès de vitesse ! 140 parsecs / s au lieu des 130 parsecs / s autorisés !
QW1lbmRlIHBvdXIgZXhjw6hzIGRlIHZpdGVzc2UgISAxNDAgcGFyc2VjcyAvIHMgYXUgbGlldSBkZXMgMTMwIHBhcnNlY3MgLyBzIGF1dG9yaXPDqXMgIQ== #ndm11
Pendant qu’on cassait la croûte, on nous a volé le radio-cassette “Pioneer” de la soucoupe.
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Un satellite immatriculé “nasa” a rayé la carosserie. Pas le temps pour faire un constat.
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Nous sommes enfin arrivé. Pas facile de se garer. La prochaine fois, on viendra en vélib.
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Une version mobile du jeu a été mise en ligne pour que les personnes qui n’étaient pas présentes ce soir là au centre Pompidou puissent tout de même participer. Réalisé en html5 et en javascript avec processing.js, il s’agissait d’une version édulcorée et 8-bitisée du jeu. Cette version est restée relativement confidentielle et souffrait de nombreux soucis techniques (ralentissements, problèmes de synchronisation,…), dû principalement au manque de temps.
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Pour terminer sur une note purement technique, j’ai utilisé Processing (et un peu de php) ainsi que les librairies Twitter4j, Tweet Stream, Romefeeder pour tout ce qui concerne les flux twitter et les fameuses toxiclibs pour la gestion de la physique.
*Il me semble qu’une bd de Robert Crumb, dont je ne me souviens pas du nom, abordait également ce thème.
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