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En octobre dernier se tenait à Arles l’édition annuelle de l’Observatoire de l’Image Numérique (Obs/IN). J’y ai présenté une nouvelle version de DNA Brigade, mon shoot’em up où un vaisseau est miniaturisé puis envoyé à l’intérieur de mon corps. Les joueurs peuvent ainsi modifier différentes parties de mon corps (enfin, sa représentation…) en détruisant et en recombinant des brins d’adn.
Cette nouvelle version comprenait un dispositif quelque peu différent, avec d’un côté l’écran de jeu et sa manette, et de l’autre un écran au format portrait avec une mon visage, changeant en fonction des actions des joueurs.
Je m’étais librement inspiré de l’art pictural du portrait, notamment, des autoportraits de Rembrandt, peut-être l’inventeur du selfie, à la fois témoignage, miroir et trace de sa vanité et de sa propre dégénérescence au fil des années.
Les artistes ont souvent eu N d’années d’avances sur des pratiques devenant ensuite courante (par exemple, la monstration, voire le travestissement et la mise en scène de la vie privé, autrefois chasse gardée des Sophie Calle et autres Michel Journiac , maintenant banale sur les réseaux sociaux).
Il est d’ailleurs toujours amusant de constater la haine ou l’agacement que peuvent entretenir les professionnels envers les amateurs, qui armés d’outils toujours plus accessibles pourrait les concurrencer, voire menacer leur légitimité (l’outil ne fait pas l’artiste, et comme disait tonton Darwin, il faut savoir s’adapter si l’on ne veut pas disparaître ).
Permettre au joueur de « m’arranger le portrait » est un moyen de me moquer du « moi-je » et de l’égo surdimensionné propre à tout artiste (il suffit de se rendre à un vernissage ou de faire un tour en école d’art pour assister à de stupéfiantes batailles d’égos ).
Ce qui m’intéresse également, c’est d’utiliser le jeu comme un lieu, un instrument qui permettrait de reprogrammer ou de modifier un pan de la réalité. Je suis fasciné par ces gens, qui, profitant d’une faille dans le jeu Pokémon, en profitent pour reprogrammer le jeu de l’intérieur, ou bien encore qui construisent au sein de Minecraft une imprimante 3D fonctionnelle. Le jeu est ici pensé comme une interface, une boite à outils pour reconstruire le monde.
Une autre question qui m’intéresse est également la possibilité accrue qu’à l’humain de modifier son environnement et désormais son propre corps. On a commencé en coupant les forêts et en asséchant les marais, et nous en sommes maintenant à modifier le vivant via la génétique (voir par exemple les OGM, dont j’attends toujours une étude complètement indépendante prouvant leurs dangers).
On pourrait également considérer les vaccinations ou certaines opérations chirurgicales comme des tentatives de nous arracher à notre condition ou une volonté d’altérer l’essence de l’être (d’ou la réticence dans certaines croyances face à la médecine moderne). Mais attention, je n’ai rien contre la médecine moderne et la science, sans lesquelles, avec mon idée stupide de sortir du ventre de maman tous pieds devant, je ne serais pas en train d ‘écrire ses lignes aujourd’hui.
Toutefois, la finalité inéluctable de l ‘existence humaine me paraît être une bonne chose, car c’est ce qui lui donne tout son sens. La notion d’infini et les fantasmes des transhumanistes me font un peu peur (dans le monde réel, Highlander se ferait vraiment chier et serait sûrement suicidaire après plusieurs siècles d’existence ).
Dans le même ordre d’idée, les jeux basés sur un univers générés aléatoirement me fascinent à la fois par leur unicité et leur potentialité, mais m’angoissent singulièrement face à la multiplicité de leur possibilités. Sûrement un besoin de vouloir tout comprendre d’un seul coup d’oeil, ou de chercher à mettre un sens sur toutes choses…
Enfin, je n’avais pas parlé de deux jeux qui m’avaient fortement inspiré et utilisant des thèmes similaires : Microcosm (1993) sur Amiga CD32, aussi beau que décevant à jouer, et Micro Surgeon (1982) sur Intellivision.
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